26 janvier 2019

Pepita, la femme du traître

Rosario Acosta-Nieva, Eric Taladoire
éditions Gingko, collection mémoire d'homme, 02-2019


Présentation de l'éditeur

Dans cette nuit houleuse du 9 août 1874, on distingue à peine la petite barque ballottée par les vagues soulevées par le violent mistral. Debout à l'avant, une silhouette féminine s'évertue à préserver la faible flamme vacillante des allumettes qu'elle gratte à la chaîne, tandis que, face à elle, un jeune homme rame avec plus d'acharnement que d'adresse. La petite équipée semble incongrue au milieu de la bourrasque, mais toute considération logique s'efface devant le clapotement de l'eau, annonçant l'approche d'une masse qui s'accroche à l'embarcation et manque la faire chavirer. Le couple se précipite pour lui porter secours et, au prix de gros efforts, arrive, non sans mal, à la hisser et la faire échouer à l'intérieur. C'est un vieillard épuisé que l'on récupère, corpulent certes, et dont la jeunesse semble lointaine. Les ongles déchaussés, le corps couvert de plaies que l'eau de mer rend encore plus douloureuses, il trouve, au bout d'un moment, la force de se relever pour prendre dans ses bras le corps menu de la jeune femme. L'homme repêché des flots n'est autre qu'Achille Bazaine, Maréchal de France, 63 ans, emprisonné pour trahison depuis 8 mois à Sainte Marguerite, une forteresse dans les îles de Lérins au large de Cannes. La jeune femme - sa femme - est mexicaine et a pour nom María Josefa de la Penã, dite Pepita. Jeune fille de la bonne société de Mexico, Pepita se marie en 1865 (elle à alors 17 ans) au Maréchal Bazaine, commandant en chef des forces françaises au Mexique, occupant alors le pays durant la guerre dite d'Intervention (1862-1867), destinée à instaurer au Mexique un empire catholique et latin face au puissant voisin du nord, anglo-saxon et protestant. Pepita se retrouve du jour au lendemain propulsée au rang de deuxième dame du pays, fréquentant leurs souverains Maximilien d'Autriche et Charlotte, ainsi que tout l'Etat-Major français. Accompagnant son mari en France, elle est témoin des dernières années du règne de Napoléon III, de la guerre de 1870, de la chute de l'Empire et du procès pour trahison de son époux, le Maréchal Bazaine, accusé d'avoir livré Metz aux Prussiens. Profondément outragée par la condamnation de son époux, elle organise son évasion et parvient à ses fins dans des conditions rocambolesques, menant d'une main de maître un groupe hétéroclite de comploteurs et de complices. Le succès de l'entreprise lui vaut une renommée mondiale d'héroïne et, malgré la rancœur de l'opinion française, l'admiration quasi-universelle (à commencer par celle d'auteurs comme Maupassant). C'est en Espagne, protégé par la cour pour laquelle Bazaine avait jadis combattu, que le couple trouvera refuge. C'est à Madrid, en 1888, que Bazaine décède, probablement des suites d'une tentative d'assassinat perpétrée l'année précédente par un nationaliste français le rendant responsable de la défaite de 1871. Alors au Mexique pour recouvrer ses biens, Pepita ne reviendra jamais en Europe. Elle meurt à Mexico en 1900, oubliée de tous comme son mari. Bien qu'elle fut célébrissime en son temps, estimée jusque chez ses ennemis, Pepita n'a fait l'objet que de fort peu d'études ou d'ouvrages fouillés. Elle constitue pourtant - et encore de nos jours - un exemple exceptionnel de ce qu'on peut appeler les femmes de tête : Personnalité hors du commun, étrangère dans son pays d'adoption, mère et épouse exemplaire et surtout maîtresse d’œuvre d'un acte qui reste, encore de nos jours, sujet d'étonnement.
Les auteurs

Rosario Acosta-Nieva
Née à Córdoba, dans l'Etat de Veracruz, au Mexique, Rosario Acosta Nieva est archéologue. Elle a participé à de nombreux projets dans diverses régions du Mexique, ce qui lui a permis d'acquérir une solide connaissance de son pays. Elle a obtenu son doctorat à la Sorbonne et sa thèse a fait l'objet d'une publication (British Archaeological Reports). Elle a publié de nombreux articles dans des revues françaises autant scientifiques que de divulgation telles qu'Ulysse, L'archéologue, Archeologia, Télérama, ainsi que dans des ouvrages collectifs : La Science au présent et Universalia de l'Encyclopaedia Universalis, le Larousse des civilisations antiques, Une Histoire mondiale du parfum ou, plus récemment le Dictionnaire des Amériques (Collection Bouquins, nov. 2016). Elle a collaboré régulièrement avec le Bulletin Critique du Livre en Français. Rosario Acosta Nieva a obtenu le premier prix dans plusieurs concours littéraires : Filando Cuentos de Mujer 2005 (Langreo, Asturias) avec « Chepina », Contam Dona 2008 (Catarroja, Valencia) avec « Una solución lógica » et Valentín Andrés 2009 (Oviedo) con « Dromedarios de Palma coloreada ». 

Eric Taladoire
Eric Taladoire est archéologue, spécialiste du monde maya et des jeux de balle préhispaniques, professeur de classe exceptionnelle à l'Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, et membre de l'UMR Archéologie des Amériques du CNRS. Il collabore à de nombreuses revues professionnelles d'archéologie, comme le Journal de la Société des Américanistes ou Arqueología Mexicana. Il a publié divers ouvrages scientifiques, et de diffusion, comme Art et archéologie de la Mésoamérique (1977) manuel de l'Ecole du Louvre/ Documentation Française. Il dirige une collection dans les British Archaeological Reports. 
Tous les détails sur le site Place des libraires

19 janvier 2019

Les peintures de la voix

Le monde aztèque en images
Jean-Paul Duviols
éditions Chandeigne, 10-2018


Présentation de l'éditeur


« Les peintures de la voix ». Cette expression que Voltaire appliquait à toutes les formes d’écriture, est parfaitement adaptée aux anciens manuscrits mexicains où l’image a une place prépondérante. Ce recueil qui s’apparente à un guide à contenu didactique, s’attache à décrire et à analyser d’une manière générale les codex mexicains (aztèques et mixtèques) et à montrer quelle fut leur originalité. Il souligne aussi leur valeur documentaire et esthétique. Ils constituent des sources privilégiées pour la connaissance des cultures anciennes du Mexique et reflètent des éléments fondamentaux d’un monde qui a brutalement disparu. Il s’agit de familiariser le lecteur avec un monde ignoré et de lui proposer un premier contact, une sorte de parcours initiatique sans difficulté majeure, tout au long duquel il trouvera une riche iconographie et quelques explications élémentaires sur l’histoire et sur la signification de ces manuscrits. Le foisonnement des images, le mystère qu’elles recèlent dans les rares codex antérieurs à la conquête et ensuite dans leur évolution postérieure, proposent aux lecteurs la surprise d’un choc exotique.

La fiche du livre sur le site de l'éditeur

Né en 1936 à Toulouse, Jean-Paul Duviols obtient l’agrégation d’espagnol et la chaire de littérature
et civilisation latino-américaine à l’Université de la Sorbonne. Spécialisé dans l’étude de la période pré-
colombienne, les voyages de découverte et la colonisation en Amérique latine, il collabore à de nombreuses reprises avec les éditions Chandeigne, surtout autour des textes relatifs au Nouveau Monde, au Mexique et à la Patagonie. Depuis une vingtaine d’années, il anime tous les jeudis une tribune autour
des publications récentes sur le monde sud-américain à la Maison de l’Amérique latine.

 

Les éditions Chandeigne nous offrent ici un magnifique ouvrage. La qualité du papier et de l’iconographie sont admirables. Ces illustrations sont le fruit du travail de Jean Paul Duviols, professeur de littérature et civilisation latino-américaine à l’Université de la Sorbonne. Celui-ci s’appuie sur les codex aztèques pour nous donner un panorama de la civilisation et de l’Histoire de ce peuple. On se promène donc entre les pages du livre comme entre celles des codex au fil des sept chapitres et de leurs annexes, elles-mêmes richement commentées et illustrées. Lire la suite de l'article de Sandrine Bonnal sur le site La Cliothèque.