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24 avril 2013

L'élixir du diable

Raymond Khoury
Editions Pocket, octobre 2012

Quatrième de couverture :
Mexique, 1741. Un missionnaire jésuite découvre l'existence d'une plante légendaire. D'après les croyances amérindiennes, quiconque s'en emparerait deviendrait l'égal d'un dieu. Entre de mauvaises mains, elle pourrait changer la face du monde. Etats-Unis, de nos jours. Sean Reilly, agent du FBI, reçoit un coup de téléphone d'une ex-petite amie, Michelle Martinez, rencontrée cinq ans auparavant lors d'une mission au Mexique. Attaquée chez elle par un gang, elle appelle Reilly à la rescousse. En Californie, le chemin de ce dernier ne tarde pas à croiser celui de Navarro, un baron de la drogue en quête d'une plante aux vertus mystiques. Surnommé« El Brujo »– le sorcier –, il est bien décidé à ne laisser rien ni personne lui barrer la route.
Le lien avec le Mexique est ténu. Malgré une couverture frappée du calendrier aztèque, d’un début d’histoire à Durango en 1741, le reste de l’histoire se passe quasi intégralement en Californie. Le Mexique n’est qu’un arrière plan. L’auteur fait intervenir un narco mexicain aux prises avec des agents du FBI, DEA, dans un thriller de facture ultra classique et un scénario bien connu, cette lutte transfrontière a été maintes fois explorée. La lecture est plaisante, la trame est parsemée, comme il se doit dans ce style de bouquin de références technologiques ultramodernes. Tout le monde suit tout le monde par l’intermédiaire de téléphones portables du dernier cri. L’originalité de Khouri est de nous faire suivre la piste d’une nouvelle drogue, inspirée par le peyotl des chamans Huicholes.

On pourrait discuter de la genèse présentée des cartels mexicains qui, contrairement à ce qui est écrit, ne sont pas simplement passé de « mules » à décideurs à la faveur des coups portés aux cartels de Colombie. Il est fait une rapide référence à la guerre menée par Calderon dès 2006 et du nombre impressionnant de victimes qu’elle a entraîné. Navarro, chef de Cartel a sa planque dans une ancienne hacienda de henequén, agave dont on tire le sizal, au Yucatan. Il est vrai qu’abandonnées à la fin du XIXe siècle, nombre de ces magnifiques demeures sont aujourd’hui reconverties en hôtels de luxe ou rachetées par de riches propriétaires.

On trouve au milieu du livre un passage inattendu dans lequel il est, rapidement, question des onzas (herpailurus yaguarundí), félins de la famille des pumas, répandus du Texas au Mexique dont l’espèce est menacée, notamment par le mur-frontière entre Usa et Mexique. La variété typiquement locale, jaguarundí carcomitli, avait été domestiquée par les civilisations préhispaniques.

La drogue que le narco cherche à synthétiser était depuis longtemps connues et utilisée par les chamans Wixáritarís, peuple autochtone de la sierra madre occidentale du Mexique, établis essentiellement sur les états actuels de Nayarit, Jalisco, Durango, Zacatecas et San Luis Potosi où se trouve leur sanctuaire de Wirikuta. De nos jours, les Huicholes accomplissent toujours ces rites liés au peyotl, comme le font aussi les Tarahumaras. Wirikuta est au centre de l’actualité depuis plusieurs années suite aux concessions accorées par le gouvernement mexicain à des entreprises minières canadiennes aux environs immédiats des terres sacrées. La protection de ce site est soutenue au Mexique par l’écrivain Elena Poniatowska, et relayée en France par le prix nobel de littérature Jean-Marie-Gustave Le Clézio.

Sur la fin, le livre passe dans une dimension quasi-fantastique avec une très improbable histoire de réincarnation et dans un dénouement aussi rapide que rocambolesque. La piste de la drogue découverte par le missionnaire jésuite se perd chez les Huicholes et les Lacandons, alors que ces deux peuples sont séparés de milliers de kilomètres, les Lacandons vivants, dans la jungle du Chiapas qui porte leur nom, la selva lancandona. L'auteur appuie son récit sur la réalité des nombreux voyages que des scientifiques pharmacologues ont effectué auprès des peuples premiers pour connaître et étudier les plantes dont ils se servent. Il passe par contre sur le fait qu'ensuite, nombre de brevets sur ces "découvertes" ont été déposés, dépouillant de fait leurs utilisateurs d'origine !

La lecture est agréable mais la construction de l’histoire, avec les incontournables ingrédients du style, est comme un petit vin primeur. Bonne attaque, agréable au palais mais qui reste sans longueur en bouche.

PhH

Pour en savoir plus sur les Huicholes et Wirikuta :
Frente en defensa de Wirikuta


 

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