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14 mai 2013

Tsunami mexicain

Joe R. Lansdale
édition Gallimard Folio, avril 2013

Harp Collins et Leonard Pine sont deux habitants de l’East Texas. L’un est blanc, hétéro, démocrate, Harp, alors que Leonard est républicain, homo et noir. Ils sont amis « à la vie à la mort », et vivent donc ensemble de trépidantes et souvent très violentes aventures. Leurs appartenances sexuelles et raciales étant en plus une solution pour l’auteur de faire le portrait sociologique de leurs rencontres, en fonction des affaires auxquelles ils sont mêlés et où elles se déroulent.

Tsunami mexicain démarre en trombe. Harp sauve une jeune fille des mains d’un cinglé en train de la battre à mort, et touche de la part de son père une somme rondelette. Il va en profiter pour partir en vacances avec son pote. Ils choisissent une croisière sur le golfe du Mexique, première étape, Playa del Carmen. Leonard, entre autres traits d’un caractère affirmé est ombrageux. Une dispute avec un steward dégénère. Pour se venger, ce dernier leur communique de faux horaires sur les navettes entre le port de Playa et leur bateau. Ils vont donc se retrouver coincés au Mexique.

Comme de bien entendu, les ennuis leur fondent dessus comme la misère sur le pauvre monde. Les voila aux prises avec des agresseurs armés de machettes, policiers le jour à Cozumel, voyous le soir à Playa. Ils vont aussi rencontrer quelques figures mexicaines classiques du roman noir. Un vieux et pauvre pécheur qui trime pour financer les études de sa fille chez les gringos, et qui a contracté un prêt auprès d’un parrain local. Ce chef mafieux a des méthodes de zeta, à savoir qu’il a une forte tendance à démembrer à la machette ceux qui se mettent en travers de ses projets. Quant à la jeune fille, elle n’a pas vraiment brillé dans ses études et la voila plus ou moins obligée de vendre ses charmes pour aider son papa à rembourser le prêt. C’est au chant de cette sirène qu’Harp va céder, et mettre son nez, entrainant celui de Leonard, dans le monde dangereux du crime organisé mexicain de la péninsule du Yucatan. Ils vont à peine avoir le temps d'apprécier la quiétude de Tulum.

  Un aigle vigilant près d'un embarcadère de Cozumel

Les personnages de Joe R. Lansdale sont toujours attachants, loin d’être des super-héros, ils sont plutôt des altruistes de l’aide sociale, des redresseurs de torts rendant service à des gens de leur milieu c'est-à-dire le commun des mortels, des gens humbles doté d’un pouvoir économique limité et donc n’ayant que peu accès à la police ou à la justice des tribunaux. Joe R. Lansdale est un chroniqueur de l’Amérique profonde, particulièrement des états du sud, ou le langage est pour le moins imagé et souvent grossier, parfois excessivement d’ailleurs. L’auteur choisi également ses méchants parmi les pires représentants de l’espèce humaine : personnages sombres en rupture totale, adepte de la violence aveugle, sans conscience ni morale ni foi ni loi, rongés par la drogue ou l’alcool, et se comportant comme les pires prédateurs. Ses représentants mexicains ont donc gachette et machette faciles, ont dotés des penchants sadiques à faire frémir, s’en prennent aux plus faibles, trafiquent sur tout et notamment sur les objets d’art mayas et distillent à chaque instant un machisme exacerbé.

Fidèles à leur tactique, Harp et Leonard finissent par corriger les vilains, y laissent des plumes et les victimes collatérales sont nombreuses. C’est du roman noir, pas de l’eau de rose. Les chairs y sont meurtries, et les cœurs, pourtant pas d’artichauts, aussi. A travers l’histoire des protagonistes mexicains, Beatrice et son père Ferdinand, le mafieux Juan Miguel et son sicaire, Joe R. lansdale dresse un court mais percutant portrait des oubliés du tourisme de Cancun, dont les retombées en espèces ne profitent pas à tout le monde, et des migrants qui passent la frontière pour aller glaner quelques dollars et les renvoyer au pays, histoire de partager un – minuscule- bout du rêve américain. La collusion entre certains scientifiques et universités avec la mafia locale pour se procurer des objets issus de fouilles archéologiques sans passer par les circuits officiels est un sujet assez peu abordé et donc original.

PhH

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