Textes et dessins : Pierre Place
éditions Aarg, 04-2015
Présentation de l'éditeur :
Une série de récits et de portraits comiques d'acteurs et d'actrices de la révolution mexicaine qui est une fresque du quotidien, peuplée d'êtres humains, avec leurs rêves, travers, désirs et défauts.
Dans le numéro 8 de la revue Aaarg, l'auteur expose ses influences, notamment celles des calaveras désignées comme des "gravures sur bois satiriques mexicaines de la fin du XIXe siècle". En fait, calavera peut désigner toutes les représentation artistique de crânes et squelettes. Les lithographies de José Guadalupe Posada comptent parmi les plus belles et les plus célèbres. Pierre Place revendique aussi la "plus grande collection de santiags du nord-est-parisien".
On peut décrire sommairement l'album avec le slogan : sexe, violence et révolution (celle de 1910) ! Le titre - zapatistas - a du être choisi car Zapata est aujourd'hui plus connu que Francisco Villa et a donc un peu plus d'accroche. L'appellation a été réintroduite dans l'actualité depuis la nouvelle révolution zapatiste (de 1994) menée par l'EZLN. Découpées en plusieurs chapitres, alternant les dessins en noir et blanc, tricolores ou en couleurs, les aventures de Carmen et Jorge sont sexuellement explicites, les balles crépitent à chaque case et les morts ne se comptent plus. Les personnages décris sont des mexicain(e)s ordinaires pris dans la tourmente révolutionnaire, moment historique vu sous l'angle de leur quotidien, de leurs caractères, défauts, désirs et vices compris.
L'atmosphère générale du livre nous plonge dans une ambiance finalement beacoup plus villiste que zapatiste. Si Emiliano Zapata, el caudillo del sur, était un révolutionnaire aux idées politiques riches de lectures, de réflexions et de débats, Doroteo Arango, dit Pancho Villa, el centauro del norte, était un soudard sans foi ni loi, rallié à Francisco I. Madero par opportunisme. Le détachement avec lequel nos deux héros commettent leurs actes meurtriers en fait des clones de Rodolfo Fierro, fidèle lieutenant de Francisco Villa, très justement surnommé El canicero (le boucher) pour avoir massacré à tours de bras. La distance mise entre la gravité des actes et le ton décalé de l'histoire sont illustrés dès la couverture sur laquelle Jorge tripote négligemment la poitrine d'une Carmen représentée comme une Mona Lisa impassible, tenant un revolver comme si c'était le premier objet venu. Carmen est une tueuse qui s'enivre du sang qu'elle verse à seaux, ce qui pose un sérieux problème à Jorge, hématophobe hypersensible qui est pris de nausées et de vomissements à la vue de la plus petite goutte de sang. Leurs émois, dans ces conditions, ne sont pas vraiment teintés de romantisme.
Rodolfo Fierro et Francisco Villa |
L'omni présence banale de la mort, l'humour noir et le style de dessin concoctent une illustration parfaite du dicton mexicain la vida no vale nada.
PhH