Christine Frérot
Éditeur : Ateliers Henry Dougier, 09-2022
Présentation de l'éditeur
On a beaucoup écrit sur Frida Kahlo (1907-1954). Si celle que l’on qualifie aujourd’hui de « féministe » est avant tout une femme libre, elle ne peut cependant être séparée de son mari, le grand peintre mexicain Diego Rivera (1886-1957), avec lequel elle a vécu vingt-cinq ans et partagé une vie tumultueuse, jalonnée de séparations, de trahisons, de liaisons et de jalousies, mais aussi d’amour, d’amitié et de complicité.Illustration de la couverture : L’étreinte d’amour de l’univers, de la terre (Mexique), moi, Diego et Monsieur Xólotl par Frida Kahlo.
Comme historienne de l‘art spécialiste du Mexique moderne et contemporain, me mettre à la place de Diego pour accompagner la gestation de cette peinture et à travers elle, me remémorer les moments les plus marquants de leur vie commune, était un défi risqué, mais, intellectuellement et émotionnellement pour moi, un jeu excitant. J’ai dû prendre une distance raisonnable des faits et je suis entrée avec une liberté toute relative dans « l’intime » afin de comprendre la force et la pérennité de leurs liens non seulement amoureux, culturels et intellectuels mais aussi politiques. J’ai épluché les écrits du couple, leurs biographies et les textes critiques, j’ai croisé volontairement leurs regards et mesuré leurs sentiments, et à partir de ces matériaux historiques, j’ai bâti leur histoire, où l’affect et la peinture sont indissociables, en mettant en exergue ce qui m’a paru le plus pertinent pour comprendre comment cette oeuvre avait pris corps, aux côtés de la forte personnalité de Diego, dans la chair et l’esprit de Frida.
L’étreinte d’amour de l’univers, de la terre (Mexique), moi, Diego et Monsieur Xólotl (1949), est la dernière peinture importante de Frida Kahlo. Dans ce tableau, moins connu que ses autoportraits flamboyants, Diego repose dans ses bras, à la fois enfant et adulte, abandonné, bienheureux et apaisé. Mais l’univers de Frida n’est pas limité à sa personne, il n’est pas seulement son mari, son amant, son ami, son enfant ; elle est profondément attachée au Mexique, sa terre nourricière adorée, comme à l’art précolombien et aux chiens sacrés qu’elle vénère. L’étreinte d’amour est un autoportrait qui me semble être la quintessence de tout ce qui accroche Frida à la vie, mais aussi la confession mélancolique de ses certitudes. Il est aussi, en partie, l’histoire de Diego Rivera.
Christine Frérot, docteur en histoire de l’art, est spécialiste du Mexique. Elle a été responsable culturelle à l’Institut français de Mexico et chercheur à l’École des Hautes études en sciences sociales. Elle est critique d’art, membre de l’Aica et commissaire d'expositions.