27 janvier 2014

Disparition de José Emilio Pacheco

photo : Aristeguinoticias.com

Le poète, romancier, critique et traducteur mexicain José Emilio Pacheco, lauréat du prix Cervantès 2009, est décédé ce dimanche 26 janvier 2014 dans un hôpital de Mexico, sa ville natale. Tandis que le Conseil national pour la culture et les arts a annoncé le décès de l'écrivain âgé de 74 ans, la presse ajoute qu'un arrêt cardiaque en serait la cause.

Avec des pairs écrivains comme Sergio Pitol, Juan Vicente Melo et Carlos Monsivais, également décédés, José Emilio Pacheco faisait partie de la génération des années 50 de la littérature mexicaine. Il était notamment spécialiste de la littérature mexicaine du XIXe siècle et de Jorge Luis Borges.

Si il avait décroché le prestigieux prix Cervantes 2009, remis en personne par le roi d'Espagne Juan Carlos, le poète a également été primé, entre autres récompenses, des prix Octavio Paz 2003, Pablo Neruda en 2004, et Reine Sophie de poésie en 2009.

Sa biograhie sur le site de l'institut Cervantès :
José Emilio Pacheco Berny (Ciudad de México, 1939-2014). Poeta, narrador, ensayista y traductor, ha sido uno de los escritores más importantes de la literatura mexicana del siglo XX.
Estudió en la Universidad Nacional Autónoma de México, donde inició sus actividades literarias en revistas estudiantiles. Colaboró en el suplemento Ramas Nuevas de la revista Estaciones, y fue jefe de redacción del suplemento México en la Cultura. Fue profesor en universidades de México, Estados Unidos, Canadá e Inglaterra. Lire la suite... 


Un reportage en espagnol à regarder sur TV El Universal.

 
 
Batailles dans le désert
Batallas en el desiertio
José Emilio Pacheco
Traduction de Jacques Bellefroid
éditions Minos - La différence
 
« Si vous aimez les Tropiques, les mangues, les papayes, les dictateurs, les plages : Acapulco, Cancùn, Copacabana, inscrivez-vous au Club Méditerranée et n'oubliez pas d'emmener Garcia Marquez dans vos valises ». Mais il existe une autre Amérique latine, prévient Jacques Bellefroid, dans sa préface à la première édition de ce livre.

Batailles dans le désert relate ces batailles que se livrent les jeunes garçons dans la cour de leur collège, à Jalisco, au Mexique après la Seconde Guerre mondiale. Elles reproduisent celles qu'Arabes et Juifs se livrent à l'autre bout de la planète. Mais aussi celle des sentiments qu’éprouve un petit garçon, décrivant sans un mot de trop, les premiers émois de cet enfant des années 50 qui tombe amoureux de la mère trop jolie d'un de ses camarades de classes. En guise de punition, il doit se confesser, subir des tests psychologiques chez les psychiatres. Et pour sanctionner cet amour indécent aux yeux d'une société puritaine, il sera changé d'école. Plus tard, il apprend le mystérieux suicide de cette femme. Il tente d'en savoir plus : personne ne se souvient de rien. S'est-il même passé quelque chose ? L'auteur excelle à peindre le doute mais surtout, par petites touches, l'insidieuse américanisation du pays.

Dans ce livre, tout est drame minuscule, regard d'intimité sur une terre d'enfance où fleurit l'humiliation. Rien ne révèle plus les fissures de la société que ces petits séismes d'un cœur pur et innocent.

Si le narrateur se souvient de ce premier chagrin d'amour, longtemps étouffé, il se souvient aussi que ces années-là, le Mexique se tournait fiévreusement vers l'Amérique. Que son père, alors quadragénaire, tentait d'apprendre l'anglais. La culture était américaine, aux couleurs d'Hollywood. Le progrès était américain et se concrétisait en réfrigérateurs, aspirateurs, mixeurs, tant attendus par sa mère. Une américanisation qui sert de toile de fond à cette « éducation sentimentale » mexicaine, déchirante et sans douceur.



Alta traición

No amo mi patria.
Su fulgor abstracto
es inasible.
Pero (aunque suene mal)
daría la vida
por diez lugares suyos,
cierta gente,
puertos, bosques de pinos,
fortalezas,
una ciudad deshecha,
gris, monstruosa,
varias figuras de su historia,
montañas,
y tres o cuatro ríos.


 

15 janvier 2014

La bomba de San José

Ana García Bergua
Co-édition Éditions ERA et Université UNAM, 2012


La Chronique de MA. B

Il était une fois une ville ingénieuse et en même temps naïve. Une ville où les poètes travaillaient dans de somptueuses agences de publicité, où on faisait du théâtre et du cinéma expérimental, une ville où les peintres ne voulaient plus peindre de fresques et les femmes ne voulaient plus obéir, mais plutôt, entre autre choses, jouir de la liberté que procuraient le mambo et la danse moderne ou écouter du jazz le soir. C’était une ville qui aimait aussi aller aux cabarets du Centre et qui s’était inventée une Zona Rosa pour y ouvrir les nouveaux cafés. 

Ce sont les années 60 à Mexico, l’époque de la Rupture, des compte rendus de films et de la Casa del Lago. La force créatrice est telle, qu’un parent de Monsieur le Président désire réaliser une œuvre majeure du Septième Art, avec bien sûr l’aide de Le Yaqui, metteur en scène adulé des perles du cinéma nationaliste national. Tout à l’enthousiasme qu’il manifeste dans le déploiement de sa sensibilité moderne et, peut-être dans le but d’étonner Cannes, le parent en question, emploie des méthodes un peu musclées pour réunir, menacer et même enlever ses collaborateurs.

Maite et Hugo, forment un couple modèle, mais pas drôle, avec un enfant, Lorenzo, à l’école primaire. Les journées s’écoulent un peu semblables jusqu’au jour où il revient, après avoir disparu une semaine, en tenue de safari et avec une actrice connue, Selma Bordiú, la « bombe », qui est soi-disant en danger et qu’il faut protéger. Elle s’incruste chez eux et toute la vie de la famille va en être bouleversée. Au début Maite accepte sans broncher cet état de choses car elle est bien élevée et ne veut pas contrarier son mari : tous les soirs c’est la fête chez eux avec des gens inconnus mais qui s’incrustent, mangent, fument, jouent, dansent et boivent jusqu’à plus soif, voire plus. Ils trouvent en Juana, la bonne, une alliée. Tout semble aller très vite. L’ambiance des années 60 est bien décrite.

Hugo et La Grenouille travaillent dans l’agence de pub de Músquiz avec Néstor. Hugo décide de faire un film avec Selma Bordiú et cherche des sponsors. Celle-ci prend de plus en plus de place dans la maison gagnant l’amitié de Maite et même de Lorenzo mais elle laisse planer le doute sur sa vie antérieure. Les « amies » de Maite s’inquiètent pour elle ; Lilia, la femme de Néstor, une insatisfaite qui aime bien colporter des racontars, et Lucila, celle de La Grenouille qui aime son mari. Puis, un jour, Selma disparaît et Hugo ne s’en remet pas. Il va tout faire pour la retrouver pendant que Maite de son côté s’émancipe. Elle prend des cours de danse avec Faustino et voudrait jouer dans le film. Hugo part à la recherche de Selma dans des lieux de mauvaise vie ; Maite tombe amoureuse de Néstor avec qui elle essaie toutes les positions du Kama-Sutra. Lui, en réalité veut écrire un livre et se sert de Maité et de ses rencontres avec elle, pour son personnage féminin. Hugo et La Grenouille en cherchant des producteurs pour le film rencontrent Ochoterena et Barbosa, types douteux, présentés par l’oncle de La Grenouille, Roberto Cortina. Ils ne peuvent pas leur raconter que Selma a disparu puisqu’elle est la star du film. D’autres personnes veulent participer pour faire un film esthétique, expérimental (Córdoba et Guardiola). Mais Hugo et La Grenouille sont « enlevés » et Maite décide de demander de l’aide à sa tante Clotilde qui tient une mercerie et dont la vie cache un secret. 

Là l’histoire prend une tournure rocambolesque. Plusieurs évènements s’entremêlent : la tante révèle son secret à Maite qui devient partie prenante, Hugo et La Grenouille, prisonniers du parent du Président doivent réécrire plusieurs fois le scénario du film sous la menace, Maite et Lucila partent à la recherche de leurs maris…

C’est un roman bien écrit qui tient le lecteur en haleine. Les dialogues sont bien repartis. Il n’y a pas de temps morts. Les années 60 à Mexico sont vues comme un grand jeu. Les femmes s’émancipent mais ont sans cesse des remords. L’étude du caractère de Maite est réussie. La situation n’est pas celle d’aujourd’hui : l’enlèvement de Hugo et La Grenouille est décrit comme une grande farce théâtrale, on ne parle pas encore de drogues dures. Mais on sent les prémices de ce que va devenir le pays. 

En fin de compte, c’est un livre qui intéressera différentes générations, celles qui ont vécu les années 60 enfant, adolescent(e), ou jeune marié(e) et tous ceux qui veulent comprendre ces années-là, au Mexique ou ailleurs.

La bomba de San José a obtenu le prix de littérature Sor Juana Inés de la Cruz 2013.

MAB

Ana García Bergua nació en la ciudad de México en 1960. Ha colaborado en numerosas revistas y suplementos culturales; fue becaria del CNCA en 1992. Ha publicado las novelas El umbral. Travels and adventures (1993), Púrpura (1999), Rosas Negras (2004), Isla de bobos (2007), y los libros de cuentos El imaginador (1996), Relatos a la carta (2000), La confianza de los extraños (2002) y Otra oportunidad para el señor Balmand (2004). Su columna “Y ahora paso a retirarme” aparece desde hace varios años en La Jornada Semanal.