Aura Xilonen
Titre original Campeón gabacho
Traduit de l’espagnol (Mexique) par Julia Chardavoine
Collection Littérature étrangère
368 pages, 22 euros
Éditions Liana Levi, 19 janvier 2017
Liborio n’a rien à perdre et peur de rien. Enfant des rues, il a fui son Mexique natal et traversé la frontière au péril de sa vie à la poursuite du rêve américain. Narrateur de sa propre histoire, il raconte ses galères de jeune clandestin qui croise sur sa route des gens parfois bienveillants et d’autres qui veulent sa peau. Dans la ville du sud des États-Unis où il s’est réfugié, il trouve un petit boulot dans une librairie hispanique, lit tout ce qui lui tombe sous la main, fantasme, rencontre l’amour, et finit par devenir champion de boxe. Son récit, mené tambour battant, est tissé de souvenirs qui dessinent un parcours chaotique aussi douloureux qu’hilarant. Roman picaresque moderne, Gabacho raconte l’histoire d’un garçon à la recherche de son identité. D’un quasi illettré qui dévore le dictionnaire et des livres savants. D’un jeune Mexicain qui découvre un monde qui ne colle pas avec sa culture natale et qui tente de se l’approprier, à coups de poing et de mots. Mêlant images poétiques, argot ancien et actuel, ingleñol et néologismes, ce roman à l’écriture ébouriffante propose une expérimentation drôle et inventive du langage.
A l’heure ou on parle de plus en plus d’un mur entre les Usa et le Mexique, ce livre prend une dimension nouvelle.
Gabacho est un terme dérivé de l’occitan qui, à l’origine, désignait les Français pour les Espagnols. Mais au Mexique, il est très vite devenu synonyme de « gringo », c’est-à-dire toute personne américaine ou venue du Nord et parlant mal l’espagnol. Par extension, le « Gabacho » est aussi pour les Mexicains une façon de nommer le territoire américain. Liborio, le protagoniste du roman, tente de se convertir en gabacho en migrant de l’autre côté de la frontière.
La chronique de PhH
Liborio est un jeune indien mexicain qui est né et a grandi dans la douleur. Il n’a pas connu sa mère et est élevé à la dure pas une tante. Il choisi de quitter son pays pour aller de l’autre côté du Rio Bravo. Passage difficile ou il risque sa vie, avant d’être à la merci de la migra. Finalement, il arrive à décrocher un emploi dans une librairie dans une ville du sud des États-Unis. Son quotidien est fait de violences, physiques avec les racailles du quartier, verbales face à la rudesse de son employeur. Jusqu’au jour, ou en défendant une jolie fille de son quartier, il est repéré par plusieurs personnes, une journaliste, un entraineur de boxe, une âme charitable qui gère un foyer pour les jeunes en rupture et surtout par celle dont il est amoureux. C’est l’éclosion d’un papillon. Liborio découvre un autre monde dans lequel il ne subit plus mais ou il choisit. Il se met à dévorer des livres alors qu’il sait à peine lire, il devient le héros du foyer, de celle qu’il sauve des voyous, de la journaliste impressionnée par le nombre de vues qu’il suscite sur Youtube, il inspire le respect aux autres boxeurs par la phénoménale puissance de ses poings, et même son patron le regarde d’un autre œil.
Le style d’Aura Xilonen est d’une grande originalité, tout en coups secs, vifs et tranchants comme ceux que distribue Liborio. En même temps, il est empli d’une poésie brutale comme celle qu’à pu exprimer François Villon, poète fasciné par les bas-fonds. Les personnages sont truculents, tel ce libraire qui, derrière un langage de charretier semble cacher une certaine compassion pour le gamin qu’il emploie et exploite. On pense à une version terrestre, moderne et urbaine du Capitaine Haddock qui aurait mis à jour son chapelet de jurons chez les électeurs de Donald Trump. A chaque page, une métaphore lie l’environnement du quotidien à une image inattendue pour former un attelage réjouissant. Alors que le roman se passe chez les oubliés du rêve américain, émigrés latinos, petits-blancs déclassés, gosses des rues, exclus des prestations sociales, l’auteur réussi l’écriture d’un hymne à la vie, à l’espoir, à la solidarité, ce qui rend un futur meilleur envisageable. Les sentiments amoureux naissants que Liborio découvre et dont il goute les prémices arrondissent les angles aigus contre lesquels la vie le cogne, et les émotions qui le transpercent le maintiennent constamment en alerte. L’exploit d’Aura Xilonen est dans l'utilisation soutenue d’un langage argotique voire grossier, sans jamais tomber dans la lourdeur ou la vulgarité, ou les passages crus sont immédiatement adoucis par les constructions allégoriques savoureuses. La fréquence des figures de style, zeugmas, oxymores ou hyperboles, apporte une constante note d’humour alors que les situations vécues par Liborio sont la plupart du temps tragiques. La présence de termes issus de l’espagnol du Mexique et du nahuatl complète une écriture déjà riche. Il faut saluer le travail phénoménal de Julie Chardavoine qui a traduit le texte, restituant un écho aussi limpide que fidèle au talent de l’auteur.
Le lozérien que je suis a d’abord eu le regard attiré par le titre. Gabache est le terme vaguement péjoratif utilisé par les gens des plaines du sud de la France pour désigner les montagnards du Massif-Central. Certains relient aussi gabache à gabale, peuple celte de la province du Gévaudan, qui deviendra par la suite le département de la Lozère, où il resterait d’ailleurs quelques indiens, frères de race de Liborio.
Derrière ce titre se cache un ouvrage décoiffant, rafraichissant et qui pique les yeux, comme le premier vent du nord de l’automne quand il secoue les chênes de la Margeride.
L’auteur
Aura Xilonen est née au Mexique en 1995. Après une enfance marquée par la mort de son père et des mois d’exil forcé en Allemagne, elle passe beaucoup de temps chez ses grands-parents, s’imprégnant de leur langage imagé et de leurs expressions désuètes. Elle a seulement dix-neuf ans lorsqu’elle reçoit le prestigieux prix Mauricio Achar pour son premier roman, Gabacho. Aura Xilonen étudie actuellement le cinéma à la Benemérita Universidad Autónoma de Puebla.
Source : Editions Liana Levi
En savoir plus sur le livre et l’auteur.
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Des murs pas encore construits que les mots ont déjà le pouvoir de fracasser, La Vie, (mars 2017)
Premio Mauricio Achar Literatura Random House 2015 Aura Xilonen, en un "ingleñol" que sorprende, narra los problemas sociales, el miedo, la soledad, pero también el amor al que los migrantes se enfrentan en un país del que siempre serán expulsados. Y entonces se me ocurre, mientras los camejanes persiguen a la chivata hermosa para bulearla y chiflarle cosas sucias, que yo puedo alcanzar otra vida al putearme a todos esos foquin meridianos. Al fin, nací muerto y no tengo ni pizca de miedo. Así habla Liborio. De esa forma piensa. Él debe dejar México, esa tierra que no le ha ofrecido nada más que golpes y el instinto de sobrevivencia, tras un asesinato imprudencial. Cruza, como tantos otros, el Río Bravo para llegar "a la tierra prometida". Y en un barrio indefinido de cualquier ciudad gringa, este mojado nos cuenta su historia. Gracias a los recuerdos y a la voz de Liborio descubrimos una infancia desnutrida, abandonada, y una juventud en la que ya no importa arriesgar todo. Él empieza trabajando en una librería donde descubre la inutilidad de las palabras; después conoce a la mujer con la que fantaseará hasta llegar a la obsesión; y finalmente encontrará un camino en el que, tal vez, consiga salvarse: será un boxeador. La vida de Liborio es deslumbrante por el lenguaje con el que está hilvanada y el cual demuestra, a su vez, resistencia y fascinación.
El articulo de Carlos Paul en La Jornada en 2016.
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