30 avril 2014

Camerone

Camerone, (30 avril 1863) est la bataille mythique de la Légion étrangère. Les légionnaires la commémorent chaque année depuis 1904 (ou 1931, les sources divergent). Elle incarne pour eux le sacrifice ultime de soi pour les autres. L’hacienda de Camerone, lieu du combat, se trouve à Cameron de Tejada, dans l’État de Veracruz, au Mexique.

 Monument à Cameron de Tejada - inscription en castillan


Le récit officiel de la Légion :

« L’armée française assiégeait Puebla. La Légion avait pour mission d’assurer, sur cent vingt kilomètres, la circulation et la sécurité des convois. Le colonel Jeanningros, qui commandait, apprend, le 29 avril 1863, qu’un gros convoi emportant trois millions en numéraire, du matériel de siège et des munitions était en route pour Puebla. Le capitaine Danjou, son adjudant-major, le décide à envoyer au-devant du convoi, une compagnie. La 3e compagnie du Régiment étranger fut designée mais elle n’avait pas d’officier disponible. Le capitaine Danjou en prend lui-même le commandement et les sous-lieutenants Maudet, porte-drapeau, et Vilain, payeur, se joignent à lui volontairement.

Le 30 avril, à 1 heure du matin, la 3e compagnie, forte de trois officiers et soixante deux hommes, se met en route. Elle avait parcouru environ vingt kilomètres, quand, à 7 heures du matin, elle s’arrête à Palo Verde pour faire le café. À ce moment, l’ennemi se dévoile et le combat s’engage aussitôt. Le capitaine Danjou fait former le carré et, tout en battant en retraite, repousse victorieusement plusieurs charges de cavalerie, en infligeant à l’ennemi des premières pertes sévères.

Arrivé à la hauteur de l’auberge de Camerone, vaste bâtisse comportant une cour entourée d’un mur de trois mètres de haut, il décide de s’y retrancher, pour fixer l’ennemi, et retarder ainsi le plus possible le moment où celui-ci pourra attaquer le convoi.

Pendant que les hommes organisent à la hâte la défense de cette auberge, un officier mexicain, faisant valoir la grosse supériorité du nombre, somme le capitaine Danjou de se rendre. Celui-ci fait répondre : « Nous avons des cartouches et ne nous rendrons pas ». Puis, levant la main, il jura de se défendre jusqu’à la mort et fit prêter à ses hommes le même serment. Il était 10 heures. Jusqu’à 6 heures du soir, ces soixante hommes, qui n’avaient pas mangé ni bu depuis la veille, malgré l’extrême chaleur, la faim, la soif, résistent à 2 000 Mexicains : huit cents cavaliers, mille deux cents fantassins.

À midi, le capitaine Danjou est tué d’une balle en pleine poitrine. À 2 heures, le sous-lieutenant Vilain tombe, frappé d’une balle au front. À ce moment, le colonel mexicain réussit à mettre le feu à l’auberge.

Malgré la chaleur et la fumée qui viennent augmenter leurs souffrances, les légionnaires tiennent bon, mais beaucoup d’entre eux sont frappés. À 5 heures, autour du sous-lieutenant Maudet, ne restent que douze hommes en état de combattre. À ce moment, le colonel mexicain rassemble ses hommes et leur dit de quelle honte ils vont se couvrir s’ils n’arrivent pas à abattre cette poignée de braves (un légionnaire qui comprend l’espagnol traduit au fur et à mesure ses paroles). Les Mexicains vont donner l’assaut général par les brèches qu’ils ont réussi à ouvrir, mais auparavant, le colonel Milan adresse encore une sommation au sous-lieutenant Maudet ; celui-ci la repousse avec mépris.

L’assaut final est donné. Bientôt il ne reste autour de Maudet que cinq hommes : le caporal Maine, les légionnaires Catteau, Wensel, Constantin, Leonhard. Chacun garde encore une cartouche ; ils ont la baïonnette au canon et, réfugiés dans un coin de la cour, le dos au mur, ils font face. À un signal, ils déchargent leurs fusils à bout portant sur l’ennemi et se précipitent sur lui à la baïonnette. Le sous-lieutenant Maudet et deux légionnaires tombent, frappés à mort. Maine et ses deux camarades vont être massacrés quand un officier mexicain se précipite sur eux et les sauve. Il leur crie : « Rendez-vous ! »

« Nous nous rendrons si vous nous promettez de relever et de soigner nos blessés et si vous nous laissez nos armes ». Leurs baïonnettes restent menaçantes

« On ne refuse rien à des hommes comme vous ! », répond l’officier

Les soixante hommes du capitaine Danjou ont tenu jusqu’au bout leur serment. Pendant 11 heures, ils ont résisté à deux mille ennemis, en ont tué trois cents et blessé autant. Ils ont par leur sacrifice, en sauvant le convoi, rempli la mission qui leur avait été confiée. L’empereur Napoléon III décida que le nom de Camerone serait inscrit sur le drapeau du Régiment étranger et que, les noms de Danjou, Vilain et Maudet seraient gravés en lettres d’or sur les murs des Invalides à Paris

Un monument fut élevé en 1892 sur l’emplacement du combat. Ce monument ayant été laissé à l'abandon, il en fut construit un autre, officiellement inauguré pour le centenaire de la bataille en 1963 et qui lui porte une inscription en français :
« Ils furent ici moins de soixante
Opposés à toute une armée.
Sa masse les écrasa.
La vie plutôt que le courage
Abandonna ces soldats Français
A Camerone le 30 avril 1863 »
Monument à Cameron de Tejada - inscription en français

Camerone est un combat épique, à savoir une action héroïque digne de figurer dans une épopée, qui se déroule dans des conditions très difficiles puisque le pays est "malsain", la chaleur est pesante, l'eau manque, les Mexicains sont des combattants féroces, et les forces en présence disproportionnées ... tout les éléments sont tournés contre les légionnaires. Plusieurs livres et bandes dessinées sont consacrés à l’histoire du combat de Camerone. Les romanciers ne manquent pas d'imagination et ont souvent fait preuve de talent pour rendre compte de la situation dramatique des légionnaires.


Camerone
Par Pierre Sergent
éditions Fayard - 1980

résumé :
30 avril 1863, 11 heures du matin. Après le premier assaut des Mexicains sur l’hacienda de Camarón, les légionnaires de la 3e compagnie du 1er bataillon du Régiment étranger prêtent serment au capitaine Danjou de se battre jusqu’à la dernière extrémité. Un des rares survivants, le caporal Maine, en témoigne : « Nous l’avions juré ! ».
Alors, dans ces Terres chaudes de la province de Vera Cruz, sous un soleil de feu, se déroule le combat légendaire entre une poignée d’hommes et toute une armée. « Une lutte de géants », dira le maréchal Forey, qui commandait le Corps expéditionnaire. Au bout de onze heures d’une lutte sans merci, seuls cinq braves étaient encore debout, auxquels les Mexicains, impressionnés par leur bravoure, leur accordèrent la vie sauve et laissèrent leurs armes. Ce livre est non seulement le récit minuté de ce fabuleux fait d’armes, devenu le symbole des vertus légionnaires, mais aussi la prodigieuse saga des hommes du Régiment étranger qui, durant plus de quatre ans, se battirent sans répit du Sud au Nord de l’immense Mexique. Pour retracer les péripéties de cette aventure aussi exotique que meurtrière et redonner vie à ceux qui la vécurent, l’auteur est allé au Mexique sur les traces des légionnaires du colonel Jeanningros, et il nous y entraîne à sa suite.
Si Camerone, combat mythique de la Légion, fait l’objet d’une analyse détaillée, Pierre Sergent couvre en fait dans ce livre toute la guerre du Mexique de l’arrivée de la Légion à son départ.
Pierre Sergent a été capitaine dans la Légion étrangère (1er Régiment Etranger de Parachutistes) et est l'auteur de nombreux livres sur la légion.


Camerone, 30avril 1963
Par André-Paul Comor
éditions Tallandier

résumé :

Camerone ! Ce nom évoque la campagne du Mexique, mais aussi et surtout la légion étrangère. Or, par quel cheminement cet épisode d’un conflit de près de cinq ans s’est-il transformé, de combat héroïque et désespéré, en modèle contemporain de sacrifice du soldat ? Janvier 1862, Napoléon III décide de l’envoi d’un corps expéditionnaire au Mexique et déclenche une guerre qui durera jusqu’en 1867. Mais, face à la résistance farouche et inattendue des Mexicains, l’aventure tourne au désastre.
Le jeudi 30 avril 1863, vers 18 heures s’achève à Camerone le combat sans espoir qui oppose une soixantaine de légionnaires de la 3e compagnie du Régiment étranger à des milliers de cavaliers et de fantassins mexicains. Les 60 hommes du capitaine Danjou ont tenu jusqu’au bout leur serment : pendant 11 heures, ils ont résisté à 2 000 ennemis, en ont tué 300 et blessé autant.
Quintessence de l’âme militaire et de l’esprit de corps, ce glorieux fait d’armes, dont on commémore le cent cinquantenaire, est une victoire morale des soldats qui résistèrent jusqu’à l’épuisement à un adversaire supérieur en nombre. La légende de Camerone est en marche. Elle occupe, depuis lors, la première place dans les traditions de la légion étrangère.
Maître de conférences honoraire à l’IEP d’Aix-en-Provence, André-Paul COMOR est le spécialiste incontesté de la légion étrangère. Il a notamment publié la légion étrangère (1992) et l’Épopée de la 13e demi-brigade de la légion étrangère (1988)


Quand la Légion écrivait sa légende
Par Alain Gandy
éditions  Presses de la Cité

résumé :
30 avril 1863, guerre du Mexique. Soixante-deux légionnaires, assiégés, résistent pendant plus de huit heures à deux mille Mexicains... Les soixante-deux légionnaires du régiment étranger, assiégés dans la cour de l'hacienda de Camaron par deux mille Mexicains sont prêts à mourir. Sans vivres, sans eau, sous un soleil de plomb, encerclés, ils combattront huit heures durant. Le document de l'histoire vraie de Camaron, commémorée avec faste chaque année, le 30 avril, par la Légion étrangère. " Ils étaient moins de soixante opposés à toute une armée. ". Nul ne pouvait mieux qu'Alain Gandy, historien rigoureux et romancier d'aventures et de panache, retracer l'épopée de courage et d'abnégation que fut la célébrissime bataille de Camaron.

Camerone
Par Jean Brunon
éditions France-empire








Ouvrages généraux sur la campagne du Mexique

La campagne du Mexique
Jean-François Lecaillon
éditions Giovanangeli, 2006

Le 8 janvier 1862, un corps expéditionnaire français débarque dans le port de Vera Cruz. La campagne du Mexique commence. Elle va durer cinq ans. 30 000 soldats, parmi les meilleures troupes de l'armée du Second Empire, vont y prendre part. L'ambition de Napoléon III est de bâtir un Empire latin dressé face aux États-Unis d'Amérique. La couronne de cet État rêvé plus que réel sera offerte à Maximilien de Habsbourg. Les témoignages des combattants permettent de saisir au plus réel ce qu'est cette guerre d'illusions, d'embuscades et de représailles sur cette terre brûlante du Mexique. Le sacrifice d'une poignée de légionnaires, à Camerone, immortalise les combats contre les guérilleros de Juarez. Du siège de Puebla à l'entrée des Français dans Mexico, les récits présentés ici font revivre les exploits militaires, les misères, les déceptions et les mille périls de cette expédition lointaine, qui prélude au drame de 1870.


La guerre du Mexique 1862-1867
Le mirage américain de Napoléon III
Alain Gouttman
éditions Tempus, 2011

Janvier 1862, Napoléon III décide de l'envoi d'un corps expéditionnaire au Mexique et déclenche une guerre qui durera jusqu'en 1867. L'empereur souhaite installer Maximilien de Habsbourg à la tête d'une monarchie latine et catholique afin de contrebalancer l'influence croissante des Etats-Unis. Pourtant, face aux erreurs répétées de Maximilien, au coût exorbitant de cette guerre sanglante et à l'irréalisme de ses objectifs, Napoléon III, la mort dans l'âme, est finalement contraint de retirer ses troupes.
Reste alors le souvenir d'un immense gâchis, ponctué par l'exécution de Maximilien et la mémoire du glorieux combat de la Légion étrangère à Camerone. A travers une narration enlevée, Alain Gouttman expose avec clarté les enjeux politiques, diplomatiques et psychologiques de cette guerre méconnue qui a précipité la chute du Second Empire.

Tempête sur le Mexique
Michel Peyramaure

éditions Calamn-Lévy, 2011

Le tragique destin d’un empereur sacrifié. 1861. La République du Mexique, ruinée et affaiblie par les guerres civiles, est devenue un enjeu entre les grandes puissances. Napoléon III, en quête d’une tête couronnée à même d’y instaurer un régime à la solde de la France, choisit Maximilien de Habsbourg. Ce jeune prince, que l’accession au trône de son frère, François-Joseph, empereur d’Autriche, a privé de tout avenir, est un poète, un progressiste que rien ne prépare à l’exercice du pouvoir. Accompagné de sa belle épouse, Charlotte, il quitte son château de Miramar pour régner sur un pays dont il ne connaît rien. Persuadé qu’il répond à une aspiration du peuple mexicain, Maximilien déchante lorsqu’il apprend que ses sujets viennent grossir les rangs des rebelles à la solde de Benito Juárez, l’ancien président du Mexique. Au fur et à mesure que se poursuivent les combats entre impériaux et républicains, Maximilien se détourne de son empire pour se consacrer à ses maîtresses, tandis que sa courageuse femme gère les affaires de l’État. Quand Napoléon III annonce le retrait de ses troupes du Mexique, Maximilien relève la tête et décide enfin de se battre. Charlotte part en Europe afin de supplier l’empereur des Français de maintenir son soutien militaire. Une fois séparé, le malheur fondra sur le couple ; Charlotte perdra la raison, Maximilien la vie. 

Dans un registre beaucoup plus romancé, comme l'indique la couverture, le livre de Annie et Michel Gall, Adieu donc belle Eugénie - La cavalière de Camerone. Eugénie était l'impératrice des Français, épouse de Napoléon III. Adieu belle Eugénie est aussi une chanson de la Légion étrangère qui raconte l'embarquement du corps expéditionnaire en partance pour le port de Veracruz en 1862.
Refrain :
" Nous partons pour le Mexique,
Nous partons la voile au vent;
Adieu donc, belle Eugénie,
Nous reviendrons dans un an ".

Pour les hispanophones, citons un livre de Joaquim Mañes Postigo, auteur espagnol qui a écrit plusieurs livres sur les espagnols engagés dans la Légion étrangère. Le mythe de Camerone est l'histoire de Alonso Bernardo, le seul légionnaire espagnol engagé dans le combat.

El mito de Camerone
Magase ediciones - 2012

reseña :
Esta obra es el relato histórico novelado de diez horas de asedio visto desde la mirada incrédula y atónita de Alonso Bernardo, el único español integrante de la compañía francesa que resistió el asedio de las tropas mexicanas en Camerone. Se trata de un relato crudo, descarnado, extraído de las fuentes y reflejado con el mayor esmero literario pero sin renunciar en ningún momento a la fidelidad y el respeto por la realidad histórica. Es por tanto un libro que hay que leer para apreciar desde un punto de vista completamente nuevo los sucesos que tuvieron lugar en la hacienda Camerone en 1863. El combate de Camerone supone el paradigma del cumplimiento del deber hasta el final, es la referencia mítica para la Legión Extranjera que conforma su espíritu como institución militar constituyendo el fundamento de su propia cohesión; y este combate tuvo lugar en Camarón de Tejada, México, el 30 de abril de 1863. Sesenta y cinco legionarios, entre ellos un español, resistieron, asediados en una hacienda durante diez horas, el ataque de más de dos mil soldados mexicanos. Los legionarios formaban parte del cuerpo expedicionario de Francia, enviado por Napoleón III en apoyo del emperador Maximiliano, en su lucha contra los mexicanos del presidente Benito Juárez, una época romántica en la que destacaron unos valores siempre inmutables: honor y heroísmo.


On peut lire un autre récit, probablement le plus ancien, dans un livre de Louis Noir, à partir des témoignages des rares survivants et paru en 1867, Louis Noir, Campagne du Mexique. Puebla - Souvenir d'un zouave, éditions A. Faure, 1867.

 

 

 

 

 

Quelques bandes dessinées sont consacrées au combat de Camerone.

Camerone
J.P. Gourmelen (scénario), A.H. Palacios (dessin)
Série "Mac Coy"
éditions Dargaud, 1988 (3e édition)

résumé :
Mc Coy : 1883 : Durant un repas de mariage à Fort Apache, Mac Coy va raconter comment il participa à la bataille de Camerone, au Mexique, le 30 avril 1863 où une poignée de légionnaires français luttèrent contre des milliers de mexicains. Ce récit est historique, la Légion a combattu à Camerone, et fêtent chaque année cette bataille qui a fit de nombreuses victimes et où les légionnaires se sont courageusement battu. A l'époque où Mac Coy et Charley se sont retrouvés au Mexique, alors qu’ils étaient dans l’armée des confédérés, ils se sont engagés dans les forces françaises. Cet album est un prétexte pour les auteurs, de raconter et illustrer ce fait d’armes, par un découpage suivant le déroulement de la journée et la montée de la tension jusqu’au sacrifice final.

Camerone
Par Philippe Glogowski et Marien Puisaye
éditions du triomphe, 2003

L'histoire en BD de ce corps d'élite engagé sur tous les théâtres d'opérations militaires. La création de la Légion étrangère, les grandes campagnes entre 1831 et 1918 avec bien sûr, la glorieuse bataille de Camerone. Préface du colonel Yann Péron.


  

PhH

 

A consulter sur Bnf Gallica
La Campagne du Mexique
1862-1867
Bibliographie numérique de 50 références de Gallica sélectionnées et mises en thème par la Fondation Napoléon


18 avril 2014

Avec tant de solitude !

Surnommé « Gabo » dans toute l'Amérique latine, le Colombien Gabriel Garcia Marquez, prix Nobel de littérature 1982, un des plus grands écrivains des XXe et XXIe siècles, est mort à Mexico DF le 17 avril 2014. Il était âgé de 87 ans. Son œuvre a été traduite dans toutes les langues ou presque, et vendue à quelque 50 millions d'exemplaires. Parmi ses œuvres maitresses, L'amour au temps du choléra, porté à l'écran en 2006, et Cent ans de solitude.

Une disparition qui laisse désormais ses lecteurs avec tant de solitude.

PhH





www.24-horas.mx/


Publimetro Mexico DF - 18 avril 2014

11 avril 2014

Des livres pour les amoureux du DF

En 2013, TimeOut México, guide culturel et de divertissements de la Ciudad de México, recommandait 5 livres pour aimer le Distrito Federal (DF), terme qui, au sens large désigne Mexico, la ville capitale du Mexique, qui se confond aujourd’hui avec le district fédéral, entité administrative ou siège le gouvernement fédéral des Etats unis du Mexique. D’après Pedro Jorge Uribe, parmi tous les livres consacrés à Mexico figurent ces « œuvres essentielles pour connaitre l’histoire de notre ville ».

Toute approche d’une ville suppose avant tout de se familiariser avec son histoire :
México viejo, de Luis González Obregón
Historias sobre asuntos específicos de la ciudad anteriores al siglo XX. Un clásico que no decepciona.

Le deuxième contact se fait à travers la nourriture que l’on va découvrir dans les restaurants, les cafés, les fêtes ou les marchés :
Cocina mexicana, de Salvador Novo
En este libro se relata la historia de la gastronomía en la capital, desde lo que comían los mexicas hasta los grandes restaurantes del siglo XX, pasando por el café, las tortas, las fiestas del centenario y muchos otros asuntos apetitosos.

Edités respectivement en 1900 et 1973, ces deux ouvrages ne peuvent se rencontrer que dans des librairies de libres anciens ou des bouquineries.

Les autres livres sont destinés à ceux qui vont se promener dans Mexico, qui vont apprécier ses colonias, ses quartiers, ses avenues, ses rues et ses ruelles, les lieux de vie, de sortie, les manifestations culturelles et festives, et qui souhaitent découvrir les chroniques et petites histoires du DF, ses secrets, les mœurs des defeños et chilangos, et les autoportraits qu’en font des écrivains eux-mêmes citoyens de Mexico. Ils trouveront une anthologie multiformes de cette ville déjà capitale de l’empire aztèque, puis de la Nouvelle-Espagne, avant d’être cette mégalopolis de plus de 20 millions d’habitants, phare de l'Amérique latine, tant sur le plan civilisationnel, culturel que politique.


Corazón de piedra
Crónicas gozosas de la ciudad de México
Angeles González Gamio
Editorial Conaculta, 2006
Lugar de origen, destino final, punto de encuentro o de partida, refugio o prisión, espejismo o quimera, la ciudad de México es ante todo nuestra casa. Barrios, pueblos y colonias son habitaciones donde las voces y los rumores del presente -el más fugaz de todos los tiempos ya que el pasado está en apariencia inmóvil y el futuro se encuentra siempre por llegar- se mezclan con los ecos y las huellas dejados por las generaciones antérieures.
Este volumen que rescata las más brillantes páginas de Ángeles González Gamio es un libro de viajes a través del Centro Histórico: tiempo y memoria anclados en la piedra. Sus páginas son mapas que nos orientan para llegar al claustro, la plaza, el hospital, el jardín, el teatro, la mansión, la escuela, el pequeño comercio que hace de su ingenuo letrero un escudo contra los embates de macroplazas y megacomercios.
En los lugares que Ángeles González Gamio nos descubre o nos devuelve encontramos referencias a personajes notables que alternan con otros imaginarios, hechos de silencio y de sombra. Ilustres o anónimos, pobres o acaudalados, todos aportan su voz para entonar un coro que resuena desde el corazón de la ciudad perdida y añorada hasta las entrañas de la ciudad real: esta que nos deslumbra, nos atrapa y nos fascina contándonos su historia interminable- nuestra historia.

México DF : lecturas para paseantes
Rubén Gallo
Editorial Turner, 2005
Se trata de una antología de Rubén Gallo, quien toma en cuenta textos de Carlos Monsiváis, Elena Poniatowska, Guadalupe Loaeza, Jorge Ibangüergoitia, Vicente Leñero y otros usuales. Muy buen libro.
Es una compilacíon de crónicas, ese género tan mexicano, sobre la vida en la Ciudad de México, una de las capitales culturales de Latinoamérica y una de las urbes más intensas del planeta. La metrópolis dibujada en estas páginas no es la Ciudad de los palacios tan añorada por los lectores nostálgicos sino la megalópolis del caos que ha surgido en los últimos treinta años : una ciudad habitada por pepenadores, vendedores ambulantes, noctámbulos lujuriosos, artistas necrófilos y ricachones desvergonzados.


El derrumbe de los ídolos
Héctor de Mauleón
Editorial Cal y Arena, 2010
Relatos sobre la llegada de la luz eléctrica a la Ciudad de México, el primer vuelo en avión, la lengua de Belisario Domínguez y otras narraciones interesantísimas y bien escritas.
El mejor profeta del futuro es el pasado, las crónicas de El derrumbe de los ídolos confirma esta máxima. De Mauleón ha demostrado que le porvenir de la Ciudad de México puede encontrarse en las fiebres mortales de 1918, cuando se extendía en las calles el miedo a la gripa española; en un día de octubre de 1913, cuando se decidió el futuro de Belisario Domínguez; en una tarde lluviosa de 1928, cuando Emilio Carranza se convirtió en el primer piloto mexicano; en los días funestos de 1922 en que estallaron bombas de agua de la Condesa y la ciudad moría de sed; en la noche en que a una voz fantasmal salida de un cubo de madera se le llamó radio. Estas aceradas páginas de historia cultural, vida cotidiana y prosa envolvente proponen que nuestro pasado puede ser el prólogo de los sueños de la ciudad.
El derrumbe de ídolos perdidos da cuenta de un México desaparecido, pero Hector de Mauleón lo ha revivido en estas páginas como ilusionista: el Ángel de la Independencia cae cada noche despeñado por la fuerza de los grados Richter de un temblor que siembra el miedo en el Distrito Federal; en algun lugar, el Ratón Macias expone su prestigio ante Alphonse Halimi; una vez más Pedro Infante siente la punzada de un presentimiento negro en la cabina de un avión. De Mauleón sabe que las cosas pueden ocurrir dos veces si la intensidad de la prosa resiste el paso del tiempo.

Les lecteurs francophones peuvent aussi se donner quelques frissons avec la littérature noire consacrée au DF, malheureusement tragique de vérité car inspirée des faits glauques et violents qui émaillent qui s'égrainent régulièrement. A lire sur ce blog, Mexico noir, présenté par Paco Ignacio Taibo II, et Mexico quartier sud (Retorno 201) de Guillermo Arriaga.
PhH






9 avril 2014

Mexico mosaïque

Portraits d’objets avec ville
Christine Frérot, textes
Lourdes Almeida, photographies
Editions Autrement, 09 - 2000

 Préface d’Alberto Ruy-Sanchez

Présentation de l'éditeur :
Une paire de bottes, un sachet de Doritos, un plan de métro, un moulin à chocolat… quelques monuments et une chanson.
Un jeu de piste, du rêve à la réalité, à travers des objets familiers, de facture artisanale ou semi-industrielle, simples, essentiels et secrètement beaux. Un parcours initiatique en forme d'inventaire affectif, qui nous parle, avec un zeste de poésie et d'humour du temps qui passe ...
Une histoire que l'on sent, que l'on goûte, que l'on touche.
Derrière cette mosaïque d'objets quotidiens, de figures emblématiques et de lieux-symboles, révélateurs de la singularité d'une culture, une véritable enquête ethnographique menée par une femme auteur, amoureuse et familière du Mexique.

Christine Frérot est spécialiste de l'art mexicain moderne et contemporain. Elle a séjourné au Mexique de nombreuses années. Elle travaille actuellement à l'École des hautes études en sciences sociales où elle effectue des recherches sur l'art latino-américain du xxe siècle. 

Lourdes Almeida a exposé ses photographies dans de nombreux musées à travers le monde et publié dans des catalogues et revues aussi bien au Mexique qu'à l'étranger. Elle a reçu divers prix dont le prix caméra de l'UNESCO en 1996.

Ces objets de mon affection, par Christine Frérot

Depuis plus de vingt-cinq ans, une fréquentation intime du Mexique a fait changer mon regard. Cette transformation a creusé des sillons affectifs et esthétiques entremêlant au passage des jours les artistes et leur art. Ce regard est essentiellement lié au temps, à la question du rapport entre le passé et le présent, à leur relative et pourtant nécessaire distanciation. Éphémère ou permanent, le temps a pris une place importante dans ma réflexion, et la différence des cultures est devenue à la fois proche et mystérieuse. Au fil des séjours et des voyages, l'appréhension du pays est restée immuable tout en m'apparaissant en constante mutation. J'ai pris conscience de la valeur de ces petits sujets de l'histoire, de ces objets à la fois anodins et indispensables, de ces images ou de ces comportements qui font le sel de la vie dans ce qu'elle a de plus impalpable. Mon approche est autant savoir que plaisir, expérience que fiction. Entre le réel et l'imaginaire. Gestes et chansons partagés, mets appréciés, espaces et architectures habités, ce parcours symbolique s'offre comme une proposition, une sorte de jeu de piste menant à instaurer un lien avec ce Mexique presque invisible. U lien fragile et instable, un lien contradictoire, à la fois subjectif et objectif. Avec un zeste de poésie et d'humour.

En partant d'une série d'objets, de quelques monuments, d'une chanson, de figures emblématiques et de produits de consommation, j’ai voulu raconter une histoire contemporaine du Mexique, fragmentaire et unique. Une histoire que l’on sent, que l’on goûte, que l’on touche.


Quelques exemples :

L’appareil à tortillas


L'appareil manuel en métal est hecho en México, comme l'ont été des dizaines d'inventions passées et il permet en toute sécurité d'obtenir la tortilla de ses rêves. Inventée en 1910 par Ramon Benitez, entrepreneur à Puebla, cette machine est la plus répandue en ville. À chaque coin de rue et dans chaque marché, les petits vendeurs répètent le geste ancestral, à moins qu'on ne soit attiré par le grincement et la cadence régulière de la machine électrique qui fait glisser quotidiennement sur le tapis des centaines de tortillas fumantes. Pourtant, avec ce début de mécanisation, un peu de poésie disparaît. La femme n'est plus menacée aujourd'hui comme elle l'était hier et un geste malencontreux ne lui sera plus fatal. Car c'est grâce à l'amour que la tortilla conserve son irrésistible saveur.

Le cabas, la bolsa para el mandado

Güerita, regarde mes melons comme ils sont charnus, güerita, viens goûter ce délicieux mamey, régale-toi d'une tranche de ma pastèque ... Qui résisterait à ce ballet d'invites aussi savoureuses ... Permanents, comme c'est le cas dans tous les quartiers de Mexico où le marché a été construit à côté de l'église et du kiosque à musique, ou éphémères lorsqu'ils s'installent une fois par semaine dans une rue qui leur a été réservée, les marchés sont incontestablement le cœur battant de la ville. L'effervescence qui y règne en permanence en fait le lieu de rencontre le plus populaire, et le cabas en plastique constitue l'un des attributs favoris des pérégrinations quotidiennes.
Résistant, il permet à tous les péchés de gourmandise de s'assouvir. Léger et transparent, on peut y évaluer ses achats d'un coup d'œil et s'autoriser tous les repentirs. Pliable, il peut être transporté à toute heure, en toutes circonstances et en tous lieux, au cas où. Modulable, il est adapté aux besoins, à l'âge, aux goûts. Il peut être acheté en grande taille comme sac à provisions ou, lorsqu'ils lui préfèrent la version mini, les jeunes branchés l'utilisent en sac à main. Le vent en poupe, il a diversifié sa gamme de couleurs, de dessins (lignes et carreaux) et de formes. Sa maniabilité et son adaptabilité lui ont fait détrôner depuis longtemps le traditionnel sac en ixtle qui se déforme et perd ses couleurs avec le soleil. Il a récemment quitté son territoire de prédilection, le marché, franchi l'Océan et se retrouve aujourd'hui dans d'autres temples de la consommation populaire, les Monoprix parisiens
.

La bougie, la veladora


La carafon, el garrafón

« Electropura veille sur vous »

L'eau, on le sait, devient une denrée rare. À Mexico, tout un vocabulaire tourne autour du précieux liquide. Il y a les réservoirs sur le toit, les camions-citernes, les longs tuyaux et leurs jets, les pompes à eau, les équipements sophistiqués de drainage et de purification. Un véritable arsenal, une terrible obsession. Car si l'eau fait souvent défaut dans les quartiers périphériques surpeuplés, elle parvient parfois à manquer dans les colonias plus huppées, provoquant de véritables drames autour de la dernière Ford Contour ou de la piscine fraîchement inaugurée. Mais si l'eau douce est parcimonieuse, il arrive aussi que l'on ne sache plus comment s'en débarrasser lorsque les pluies diluviennes rythment, avec une désespérante régularité et une abondance infinie, les longues après-midi d'été du district fédéral.
Longtemps, le lourd et dense carafon de verre, pouvant contenir jusqu'à vingt litres, s'est balancé sur son modeste support de fer blanc. Un grincement familier accompagnait le tangage du beau récipient transparent, dont aucune famille ne pouvait se passer. Un seul mot, un seul nom répondait aux attentes d'une soif en toute sécurité : Electropura. La modernité lui a apporté robinet, gobelet et une impériale fixité. Des tricycles aux camions qui transportent aujourd'hui des dizaines de carafons en plastique bleuté, l'eau magique a sa distribution et son avenir assurés. L'eau est doublement pure, puisqu'elle est purifiée selon un mystérieux procédé électrique qui constitue sa véritable appellation et rassure le consommateur angoissé. Les phantasmes bactériologiques peuvent bien menacer les plus intrépides: les millions de litres qu'Electropura distribue, depuis 1890 et quelque, aux quatre coins de la ville la plus peuplée du monde, auxquels elle a ajouté récemment ses nouvelles bouteilles de style Évian, doivent épouvanter virus et bacilles récalcitrants: adieu esteriocolli, trypanosoma cruzi, salmonelloses, shigelloses.




La cuillère en émail

La pyramide la Race, el monumento a la Raza

 
"Double cicatrice, encore sanglante " 
À Mexico, une nouvelle ville commence au nord du croisement des avenu Insurgentes et Reforma. Après le marché de Tepito et son indescriptible dédale, on est impressionné par la place des Trois-Cultures et la double cicatrice encore sanglante qu'a laissé Tlatelolco dans la mémoire de la ville. Les grands ensembles d'habitations populaires se succèdent avec monotonie et à quelques encablures de la tour du ministère des Affaires étrangères, on commence à ressentir une certaine oppression. L'air est plus trouble, le chaos visuel s'intensifie et les bruits semblent décuplés. L'enchevêtrement des lignes, fils, pylônes électriques et téléphoniques, la pétarade des camiones - ces autobus qui font la course sur l'avenue la plus longue du monde -, les fumées qui s'échappent sans vergogne des tubes et des tuyaux, délimitent un espace infernal pour le monument à la Race. Dans cet imbroglio qu'est devenue ville, l'hommage à la Nation se perd, étouffé, annihilé. Construit en 1940 par l'architecte Luis Lelo de Larrea pour honorer le métissage, le monument à la Race appartient à cette filière emblématique et redondante des allégories patriotiques dont regorge le pays. Les cavaliers, caudillos ou héros révolutionnaires, les gradés anonymes (agent des douanes ou pompier) chevauchent les paysages ou les villes, en compagnie des têtes "guillotinées" et des plus invraisemblables monuments comme ceux du poulpe, du bas nylon ou du sombrero. Mais l'exaltation de la Nation est l'un des thèmes de prédilection de la statuaire monumentale et le revival néo-indigéniste fait des ravages dans le pays. Dans ce carrefour démoniaque totalement acculturé, l'aigle est un peu solitaire depuis que les néo-Tlaloc ne crachent plus d'eau et que les Quetzalcoatl figés ne sont plus que des bas-reliefs ayant perdu la vigueur de leur symbole . 



La chanson de Jose Alfredo Jiménez, el Rey


Sigo siendo el Rey

Le vent du féminisme a beau souffler depuis des décennies, le roi n'est pas nu. Il règne toujours, fier et obstiné. La voie royale lui a été ouverte très tôt, lorsque, petit prince adulé, il se pavanait dans une cour de femmes qui lui était inconditionnellement acquise. Quand il clame à tue-tête qu'il continue à être le roi, malgré toutes ses vicissitudes, l'homme conforte ses prérogatives précoces et se rassure. Il sait que son autorité et sa liberté ne seront pas ébranlées, mais qu'elles doivent être réaffirmées en permanence, car " sa parole, c'est la loi ".
Chanson masculine par excellence, El Rey, " Le Roi ", est l'œuvre de José Alfredo Jiménez et date de 1970. Dans le sillage des chansons machistes, c'est la plus emblématique, celle à laquelle aucune réunion, aucun cabaret ou aucune peiia ne peut échapper, celle qui rassemble autant qu'elle déchire les hommes et les femmes, tout au moins dans l'euphorie partagée du chant thérapeutique. L'amour, la haine, l'argent, la trahison, la rupture, la violence, la passion et l'abandon sont au cœur de l'inspiration du compositeur. C'est grâce à eux que la chanson populaire mexicaine a sa véritable chair. Le mode incantatoire, plaintif ou suppliant, sur lesquels les histoires de la vie sont racontées en chansons, en fait aussi l'écho sublimé du quotidien, l'échappatoire ou le dérivatif de la réalité, le réconfort illusoire de l'amour incompris ou le baume sur la douleur inconsolable. La magie mélodique peut alors se substituer à la banalité tragique des mots. Le piège se referme sur les amants qui oublient que le roi n'est pas mort. Vive le roi !
Yo se bien que estoy afuera
pero el dia que yo me muera
se que tendras que llorar
Llorar y llorar, llorar y llorar (chœurs)

Diras que no me quisiste
pero vas a estar muy triste
y asi te vas a quedar.

Con dinero y sin dinero
hago siempre lo que quiero
y mi palabra es la ley.
No tengo trono ni reina
ni nadie que me comprenda
pero sigo siendo el Rey 

Una piedra del camino
me enseño que mi destino
era rodar y rodar
Rodar y rodar, rodar y rodar (chœurs)

Despues me dijo un arriero
que no hay que llegar primero
pero hay que saber llegar. 

Con dinero y sin dinero
hago sienpre lo que quiero
y mi palabra es la ley
No tengo trono ni reina
ni nadie que me comprenda
pero sigo siendo el Rey.


La chronique de Ph. H

Et aussi, l'Alegria et ses graines d'amarante, l'algue spiruline, la bibliothèque de l'UNAM, le caballito, le chicharrón, le chiquihuite, le chocolat Abuelita, les confiseries de Celaya, la cazuela, el Angel - monument à l'indépendance, les poudres miracles ... 

Mexico mosaïque n’est pas un guide sur la ville de Mexico, ni un roman, ni un simple album de photos. Mexico mosaïque, c’est un résumé de mexico, une galerie d’objets qui ont façonné la ville, qui sont les repères des chilangos*, c’est la carte d’identité de ce monstre urbain qui contient presque le quart de toute la population du pays. Le livre de Christine Frérot est aussi un dictionnaire amoureux. Chaque description révèle l’attrait de l’auteur pour le pays. Et, mieux que tout autre, elle a su saisir quels étaient les symboles qui vont le mieux aux habitants de Mexico. Des monuments aux objets usuels de la vie quotidienne, des documents écrits ou sonores qui rythment les jours et les nuits, des spécificités alimentaires aux incontournables boissons, de J.A. Jiménez à Superbarrio le  luchador, le lecteur découvre un cadre harmonieux loin de l’image agitée et polluée qui colle à Mexico, une culture riche, un mode de vie qui parait immuable. Publié en 2000, le contenu semble intemporel tant on retrouve le DF d’aujourd’hui dans les mots et les images d’hier. L’auteur a véritablement capté l’âme de Mexico. Cet ensemble de couleurs, d’odeurs, de bruits, et de saveurs qui, malgré les évolutions, reste la marque du DF. Christine Frérot, originaire de Lozére (comme l'auteur de ces lignes), et donc issue d'un territoire rural, réussi l’un des plus beaux ouvrages sur cet immense tissu urbain, parmi les plus peuplés du monde. Plus qu'un témoignage, son livre est une déclaration de profonde amitié à la ville et à ses habitants., et au dela au Mexique tout entier.

PhH

* : chilango, habitant de Mexico. Terme autrefois péjoratif mais aujourd’hui revendiqué par les citoyens de la ville, parfois appelée Chilangolandia.

8 avril 2014

Les sourds

Rodrigo Rey Rosa
Los sordos
traduction de l'espagnol (Guatemala) par Alba Marina Escalón
éditions Gallimard, 04-2014

La traduction d'écrivains guatémaltèques est assez rare. Rey Rosa échappe un peu à la règle puisqu'il voit avec Les sourds, la parution en France de son 8e roman, toujours aux éditions Gallimard.

Présentation de l'éditeur :

« Il vida un chargeur de dix-sept munitions sans rater un seul tir. Ses voisins baissèrent leur arme pour admirer l’adresse du nouveau venu qui rechargea son pistolet et continua à tirer pendant que les silhouettes alignées, tout au bout du terrain, tombaient puis se relevaient pour être à nouveau descendues ».
Le jeune Cayetano apprend vite. Il quitte Jalpatagua, son village natal, pour Guatemala City où, grâce à l’intervention de son oncle Chepe, il trouve enfin un travail : il devient le garde du corps de Clara, la fille d’un riche banquier. Au fil des jours, une certaine intimité s’installe entre ces deux êtres que tout sépare. Mais la disparition soudaine de Clara va changer leur histoire. Fugue, séquestration, ou simple ruse pour soutirer de l’argent à sa famille ?
Les recherches entreprises par Cayetano pour la retrouver – et se retrouver – vont transformer ce roman en un thriller passionnant nous conduisant jusqu’au cœur du Guatemala, aux abords du Lac Atitlán et du territoire des Mayas. Le jeune homme y découvrira ce qu’il n’était pas censé découvrir : un lieu où l’amour, l’ambition et la folie jouent, comme les dieux anciens, avec les destins des hommes.
D'une écriture sensible, précise et élégante, Rodrigo Rey Rosa dresse le portrait d’une société ravagée par la violence, la corruption et le racisme, mais qui cache toujours, dans son passé le plus lointain, les prémices d’un avenir différent.
Gallimard, collection Du monde entier.

Ces précédents romans traduits sont Manège (2012), La  rive africaine (2008),  Pierres enchantées (2005), L'ange boiteux (2002), Le silences des eaux (2000), Le projet (1999), Un rêve en forêt et autres nouvelles (1997).


Los sordos
Rodrigo Rey Rosa
editorial Alfaguara, 2012

Cayetano es un joven de pueblo al que su tio Chepe le busca trabajo como guardaspaldas de una joven dueña hija de un magnate de los negocios guatemalteco. Noble e inocente, poseedor de una puntería casi inhumana se hace cargo de la protección de Doña Clara. Doña Clara a su vez mantiene una relación secreta con Javier, el abogado de la familia, que es un hombre casado que vive la mayor parte del año en Ginebra.
Una noche tras una fiesta en casa del potentado clara desaparece para desesperación de Cayetano. Decidido a buscarla comienza una investigación para desentrañar el misterio tras la desaparición de Doña Clara. Asi se irá desvelando una trama donde se mezcla la desaparición de un niño sordo, un misterioso hospital benéfico en la selva, la justicia indígena y la corrupción y violencia imperante en la Guatemala actual donde la ley y la justicia no siempre van de la mano.


 « Rey Rosa es un maestro consumado, el mejor de mi generación. »
Roberto Bolaño

3 avril 2014

Mantra

Rodrigo Fresán
traduit de l'espagnol (Argentine) par Isabelle Gugnon
éditions Points
03 - 2014

Présentation de l'éditeur :
Je souffre d’une maladie inédite : ma mémoire s’efface au profit d’un souvenir unique, obsédant. Celui de Martín Mantra. Nous sommes devenus frères de sang à neuf ans, après avoir joué à la roulette russe avec un pistolet mexicain. De folles rumeurs ont circulé sur la disparition de Mantra. Le docteur dit qu’il n’a jamais existé que dans ma tête ; mais comment saurais-je toutes ces choses sur Mexico ?

Rodrigo Fresán est né à Buenos Aires en 1963. Écrivain et journaliste, il vit à Barcelone. Fresán a connu le succès critique dès son premier livre, Historia Argentina, en 1991. Chargé par son éditeur d’écrire sur Mexico, il publie Mantra en 2001.

Mexico est le mot le plus x qui soit, et Mantra devient " Mantrax " à la fin du livre. Le x est la lettre mystérieuse par excellence. Il ressemble à une énigme qui ne se résout jamais tout à fait. Le x marque aussi l'emplacement exact du trésor sur les cartes des pirates. Le x est le rayon qui permet de voir à travers les choses et de percer l'intime secret du squelette.
Rodrigo Fresán
Interview de Rodrigo Fresáan  dans Le Matricule des Anges :

Mantra, par l'Argentin Rodrigo Fresán, est un objet littéraire non identifié qui vous tombe sur la tête. Démesuré, monstrueux et compliqué comme la ville dont il s'inspire.

Le sujet de départ était Mexico, " cette araignée qui tisse toutes les toiles existantes ". Le résultat final est un " roman démontable ", une " aberration littéraire " : c'est ce que dit la 4e de couverture. Trois parties, trois narrateurs interchangeables, et le dénommé Mantra qui survole l'ensemble. Pour se présenter à nous en même temps qu'à ses nouveaux camarades de classe, il commence par jouer à la roulette russe avec un vrai revolver (à 9 ans), puis réalise (toujours à 9 ans) le film de sa vie... mais en fait on n'est sûr de rien, puisque le cerveau qui nous raconte l'histoire est atteint d'une tumeur en forme de Sea-Monkey.

La deuxième partie du livre, classée par ordre alphabétique de Abajo (en bas, Inframonde) à Zona (Zone, Crépusculaire) , forme un guide complètement subjectif, mais exhaustif, de Mexico. La fin sera racontée par un robot à la recherche de son Mantrax de père, dans les rues de la Nouvelle Tenochtitlán du Tremblement de Terre. On comprend alors un peu mieux pourquoi le narrateur de la première partie se prend pour le HAL 9000 de 2001 : l'Odyssée de l'espace. Quoique. Mantra est un livre halluciné, délirant, érudit. On y croise William Burroughs, Frida Kahlo ou David Lynch mais il ne faut surtout pas s'acharner à comprendre où tout ça nous mène. Quelques explications ne seront pas de trop... Lire l'article.

1 avril 2014

La pipe de Marcos

Javier de Isusi
Les voyages de Juan Sans Terre – tome 1
136 pages, 17€
Editions Rackman – 10 - 2005

La chronique de Ph. H

Vasco, marin sans bateau, parcourt le sud du Mexique à la recherche d'un ami qui y a mystérieusement disparu des années auparavant. En suivant ses traces, il arrive au cœur du Chiapas, tenu par l'armée zapatiste de libération nationale du sous-commandant Marcos. C'est là que les ennuis commencent. 

Entre fiction et témoignage, Javier de Isusi raconte la vie quotidienne dans cette région et la lutte quotidienne des populations indiennes pour défendre la liberté qu'ils ont conquise avec les armes. Javier de Isusi réussit à la perfection la synthèse entre une aventure à la Corto Maltèse et un travail d'enquête minutieusement documenté. Ce volume raconte le premier des quatre voyages de Juan Sans Terre qui le porteront vers d'autres situations conflictuelles latino-américaines (Colombie, Brésil).

Le dessin en noir et blanc peut paraître mal maitrisé par moment. Mais l’important est dans les dialogues, dans cette communication, dans ces sentiments qui passent entre les différents acteurs. L’auteur insiste sur le fait que l’EZLN n’est pas sortie du néant en 1994, ni d’une exportation des conflits guatémaltèques, d’Amérique centrale ou du guévarisme cubain. Elle est née il y a environ 500 ans, et s’est renforcée à chaque nouvelle spoliation des indiens. Celle née de l’exploitation de la forêt Lacandone s’est intensifiée dès le XVIIIe siècle et se poursuit de nos jours, sous des aspects très différents et parfois inattendus. L'humour reste très présent dans le récit, notamment pour illustrer la présence des observateurs étrangers dans les camps pour la paix, la cohabitation au sein des communautés entre priistes et zapatistes et my(s)thifier un peu plus la légende du passe-montagne. Les dernières scènes sont particulièrement savoureuses. 

L’ouvrage est riche de 136 pages, accompagnées d’une postface intitulée « le zapatisme ou le papillon qui provoque la tempête » dans laquelle Carmen Valle Simon brosse une rapide chronique des évènements et une description précise. Elle s’attache à montrer que l’EZLN n’est pas une armée conventionnelle, ce qui rendrait les choses si simples. Le séjour qu’a fait l’auteur au Chiapas, aidé par les Tojolabales, lui a permis de découvrir « la verdoyante terre chiapanèque, les forêts, les montagnes, les douches sous la pluie, le café, les guitares, les marimbas, les moustiques, les larves blanches, les coqs déboussolés, les chiens insomniaques et toutes ces chose qui rendent les nuits blanches fertiles ». L’album est dédié aux habitants de la Realidad et aux communautés indigènes du Chiapas.

Un peu d'histoire :

1994 - 2014, déjà 20 ans que la révolte zapatiste s'exprime dans le Chiapas. Après des premiers mois guerriers et meurtriers, prise d'Ocosingo, Comitan, San Cristobal de las Casas, Las Margaritas et Altamirano le 1er janvier 1994, l'EZLN s'est peu à peu installée dans le paysage politique et social du Chiapas. Le territoire administré par les zapatistes, les caracoles, est assez réduit et toujours étroitement surveillé par les soldats. Le défi permanent est de réussir la gestion quotidienne selon les principes fondateurs, qui se heurtent aux réalités du monde qui les entoure. Si toutes les tensions ne sont pas apaisées, du moins y a t-il eu une certaine normalisation. La couverture médiatique est désormais très faible et le visage emblématique du soulèvement, le sous-commandant Marcos, s'est fait très discret. Si les Zapatistes ont réussi à survivre, on peut aussi dire que les gouvernements mexicains, sans les éradiquer,  ont réussi à les "avaler". La phase militaire a été courte. En mobilisant 3000 soldats, des blindés, des avions et des hélicoptères, l'armée repoussa les combattants de l'Armée Zapatiste de Libération Nationale dans les montagnes, où ils durent encore subir des bombardements aériens. le bilan des victimes peut être estimé à 400 tués.  Le 12 janvier 1994 le président Carlos Salinas de Gortari décrète un cessez-le-feu, plus sous la pression internationale qu'à cause du repli de l'EZLN. Un processus de dialogue s'entame dès février 1994, avec Manuel Camacho Solís. Commencent alors des années pendant lesquelles alternent l'ombre et la lumière. Les Zapatistes ne sont pas devenus des terroristes, et les milices anti-zapatistes ont été "contenues" après le massacre d'Acteal (22/12/1997) qui marque la fin de la "guerre de basse-intensité" et illustre tragiquement (45 morts)  l'échec de cette stratégie, indigne d'un état démocratique et d'un état de droit (l'armée régulière confiait ses missions de basses-œuvres aux milices paramilitaires qu'elle armait et formait). Dans les années 2000, quelques initiatives citoyennes sont lancées à travers le pays, comme la otra campaña en 2006, les rencontres du peuple zapatistes avec les peuples du monde (2007), et l'installation des communes en autogestion. En 2006, le 6 janvier, l'EZLN perd la commandante Ramona, indienne tzotzil, figure de la lutte des femmes indigènes.


Toujours en 2006, les 3 et 4 mai ont lieu les graves incidents de San Salvado Atenco (Etat de México) qui feront 2 morts parmi les membres de la otra campaña initié par l'EZLN, 207 arrestations et le viol de 26 femmes par des policiers. Ce cas est emblématique de la férocité de la répression au 3 niveaux de gouvernement, fédéral, estatal et municipal, et de l'impunité dont jouirons ensuite les forces de l'ordre au cours de procès inéquitables. Le gouverneur de l'Etat de México était à cette époque Enrique Peña Nieto, qui deviendra président du Mexique en juillet 2012.
Ensuite, les apparitions se font plus rares, peut être parce que le conflit est resté confiné à cette zone de Los Altos de Chiapas, et qu'à aucun moment il ne s'est étendu à d'autres états du Mexique. Des incidents, parfois graves, opposant les zapatistes à d'autres groupes du PRI, du PRD, voire à des membres organisations indigènes ou paysannes, surviennent de temps en temps.
Néanmoins, les zapatistes sont toujours la. Ils étaient 40 000, dans un silence impressionnant, sous les passe-montagnes et les paliacates, le 21 décembre 2012 à San Cristobal, preuve que leurs revendications de liberté, de dignité, de justice, d'autonomie ne sont pas satisfaites et que le "Ya basta !" est toujours d'actualité.
En décembre 2013, le sous-commandant Marcos reprend la plume pour dénoncer la campagne d'autopromotion "massive, couteuse, ridicule et illégale" menée par le gouverneur du Chiapas, Manuel Velasco Coello (campagne chiffrée par l'hebdomadaire Proceso à 130 millions de pesos, financée sur les deniers publics de l'état le plus pauvre du Mexique).
L'état-major de l'EZLN est aujourd'hui dirigé le sous-commandant Moïsés.

La une de l'hebdomadaire Proceso, le 23 décembre 2012

En complément :
Dossier sur les 20 ans du soulèvement zapatiste (en français)
EZLN 20 años de alzamiento en Chiapas (en espagnol)

Ph.H