28 avril 2011

Loverboy

Gabriel Trujillo Muñoz
Traduction de l’espagnol (Mexique) par Gabriel Iaculli
Folio policier, Gallimard, avril 2011.

Une autre enquête de Miguel Angel MORGADO, avocat défenseur des droits de l’homme au Mexique. Cette fois-ci, il est amené à rechercher des enfants disparus à Mexicali. Même si au début il ne veut pas enquêter sur ce cas, une jolie avocate de Mexicali le fera changer d’avis. Une nouvelle courte qui se lit d’un trait, on aura d’une part une affaire de trafic d’organes, des enfants enlevés et des criminels morbides, sans scrupules, complètement fous. D’autre part, on trouvera la mentalité des certains (pas tous, heureusement) qui pensent qu’ « un indien n’est pas du pays » et que c’est un excellent bouc émissaire, idéal pour calmer l’opinion publique. Et si en plus l’indien est une indienne, une femme mixtèque, l’affaire sera close. Comme le dirai l’auteur, ceci nous fait penser à la chanson de John LENNON qui disait « Woman is the nigger of the word ». MORGADO doit se dépêcher pour trouver les vrais coupables.

ROB

Mexicali City Blues. Loverboy
2006
Otra investigación de Miguel Angel Morgado, abogado defensor de los derechos humanos en Mexico. Esta vez, Morgado se encuentra confrontado a varios casos de desaparición de niños en la Ciudad de Mexicali. Aunque al principio no quiere aceptar esta investigación, una abogada guapa le hará cambiar de opinión... Un relato breve que se lee en un momento. Por un lado, tenemos, un caso de tráfico de órganos, secuestros de niños y criminales morbidos, sin escrúpulos, completamente locos. Por otro lado, conocemos la mentalidad de algunas personas (no todas afortunadamente). Quienes creen que “un indio no es del país” y es un excelente chivo expiatorio, servirá muy bien para calmar la opinión pública. Y si además el indio es una mujer, mixteca, el caso estará cerrado. Como lo diría el autor, esto nos hace penser a la canción del desaparecido John Lennon que decía « Woman is the nigger of the word ». Morgado debe apurarse para encontrar a los verdaderos culpables.

ROB


Dans ce deuxième opus mettant en scène l’avocat Miguel Angel Morgado, Gabriel Trujillo Muñoz aborde dans un très court roman, 94 pages, plusieurs aspects du Mexique contemporain. Tout d’abord, l’émergence dans le paysage social d’une Commission pour les droits de l’enfant, calquée sur la CNDH, la Commission Nationale des Droits de l’Homme. Même si ces instances sont peu voire pas du tout efficaces, on peut toujours rétorquer qu’elles ont le mérite d’exister. A condition que le pouvoir politique en place ne s’en serve pas comme écran de fumée, comme se fut le cas par exemple lors des évènements de San Salvador Atenco en mai 2006. Il évoque aussi de façon très directe le racisme qu’éprouvent quelques mexicains blancs du nord à l’égard des populations indigènes, qu’elles soient de Oaxaca, du Chiapas ou d’autres états mexicains, des indiens pourtant primo habitants par rapport aux blancs ou aux métis, mais pas considérés comme des gens convenables. Alors, aux yeux de certains policiers et de certains notables, ils sont des bouc-émissaires parfaits. Dans cette histoire de séquestrations, c’est une femme mixtèque qui sera désignée à la vindicte publique, sa peau mate, ses tresses, son huipil brodé étant autant de marques d’infamies. L’intrigue porte donc sur des disparitions d’enfants dont les cadavres sont découverts mutilés, ayant subi des ablations d’organes. Ce genre d’affaires sordides fait régulièrement les titres des actualités mexicaines mais aussi de toute l’Amérique centrale. S’il est certain que de tels crimes ont lieu, il est toutefois probable que l’ampleur des rumeurs qui y sont liées en donne une perception un peu faussée. En situant l’action du livre à Mexicali (Basse-Californie du nord) et à sa jumelle gringa Calexico, Gabriel Trujillo Muñoz dénonce cette zone de non-droit que constitue la frontière d’avec les Usa, point de passage facile pour tous les dépravés, les armes, la drogues et les organes sains. Il dénonce en même temps le peu de morale des gringos, qui posent bien peu de questions sur la provenance de ces organes, le prix demandé payant aussi bien le rein d’un enfant que leur silence coupable. En choisissant comme exécuteur de basses-œuvres un ancien sataniste passé par Matamoros, l’auteur rappelle les méfaits d’une secte réunissant des trafiquants de drogues, des marginaux, des musiciens qui pratiquèrent des sacrifices humains dans les années 1983 à Matamoros (Tamaulipas), autre ville-frontière mexicaine (cf Adolfo de Jesús Costazgo y los narcosatánicos de Matamoros). Enfin, à travers le lynchage de la femme organisatrice du réseau, Trujillo Muñoz érige en vengeance sociale salutaire, en mouvement collectif d’autodéfense, en réaction instinctive de survie et en message d’espoir ce qui était une exécution sommaire. Cette scène rappelle étrangement la mise à mort de Maigrat par les femmes de mineurs en grève, dans Germinal de Zola. Le sentiment de colère face aux criminels, l’impunité des coupables, l’inaction policière conduisent le peuple, et notamment les femmes à prendre leur destin en main en un geste symbolique et violent.
C’est un livre très incisif, très direct, écrit avec une plume acérée et sans concession, avec juste ce qu’il faut d’humanité et d’amour pour mettre en valeur l’avocat Morgado et Guadalupe Esperaza de la Commission pour les droits de l’enfant et leur combat pour un monde moins mauvais.
PhH

Du même auteur, sur ce blog, Tijuana city blues

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