Avec Tijuana Straits, Ken Nunn a écrit un roman environnemental, social et engagé. L’histoire se passe entre Imperial Beach, une ville des Usa de la vallée de la Tijuana River, et de l’autre côté de la frontière, à Tijuana, plus grande ville l’état mexicain de Baja California. Sam Fahey est un ancien surfeur malmené par la vie. Il a de mauvaises relations avec son père, un petit truand qui ira jusqu’à assassiner des clandestins mexicains. Ce mauvais exemple, s’il ne l’empêche pas de réussir quelques sorties mémorables sur les houles prisées du pacifique, le fameux mystic peak entre les iles Coronados et l’embouchure de la Tijuana river, ne lui épargnera pas des dérapages autour de la drogue, consommation et trafic, qui le conduiront en prison pour plusieurs années. A sa sortie, il a un seul désir, se ranger dans une petite vie tranquille, sans horizon et sans exploit sportif mais sans aussi sans embêtement.
Magdalena, à Tijuana, voudrait que les choses changent pour les femmes mexicaines. Elle travaille à la Casa de las mujeres, où elle apporte une aide psychologique, matérielle et juridique aux nombreuses victimes d’un univers social et professionnel très particulier, dans lequel les conditions de travail sont basées sur le machisme, l’absence de législation, l’absence de protection, la violence et la corruption. Cette activité va valoir à Magdalena un attentat qu’elle attribue aux patrons des maquiladoras, ces petites usines qui fourmillent sur la frontière, dans lesquelles les femmes sont exploitées par des employeurs yanquis sans scrupules, avec l’accord des autorités mexicaines qui y voient un essor économique. Echappant à ses poursuivants, Magdalena va être recueillie par Sam Fahey, qui de partage entre son emploi pour la protection de des oiseaux et sa petite ferme dédiée à la vermiculture. L’engagement de Magdalena va lui redonner un peu de conscience, de solidarité, et peut être l’occasion de laver les taches laissées par son père auprès des immigrants mexicains qui croient trouver le paradis aux Usa.
Il va devoir pour cela protéger Magdalena de ces agresseurs qui ne se laissent pas décourager par la frontière, cette ligne qui a vu se développer de chaque côté des zones de non-droit très dangereuses, ou l’on croise des narcotraficantes, des clandestins, des milices, des junquies, et toute une humanité rejetée par l’ultralibéralisme, le tout dans un environnement toxique du aux rejets chimiques des usines, sous le regard complice des services environnementaux mexicains qui falsifient les résultats d’analyses, transformant en cloaque un espace autrefois peuplé de plusieurs espèces d’oiseaux migrateurs. Le gouvernement gringo a même du déplacer une base des Navy Seals à cause du niveau de pollution.
La traque lancée contre Magdalena permet à Ken Nunn de dénoncer les exactions contre les hommes et contre la nature, de brosser un portrait des coupables et des victimes, et d’alerter ses lecteurs sur les conditions de vie liées à des accords économiques qui, finalement, renvoi les relations de travail et de vie à un niveau proche de celui du XIXème siècle.
Kem Nunn réussi ce portrait grâce à son style d’écriture particulièrement agréable qui le situe dans le haut du panier littéraire. Dans la lignée de La patrouille de l’aube (Don Winslow) ou La frontière (Patrick Bard), Tijuana Straits est un autre témoignage sur la frontière entre Mexique et Etats-Unis, ce territoire de violence extrême qui échappe à tout contrôle où les cadavres poussent plus vite que les cactus.
Ph.H.
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